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L’aventurier de la haute couture

Derrière l’artisan d’exception, un entrepreneur plein d’audace et de bienveillance, lancé dans l’aventure avec pour seule boussole sa soif d’apprendre, pour exceller toujours et voir grandir ses équipes et ses projets. C’est à Limoges, sa ville d’adoption, que Bernard Blaizeau a appris tous les secrets de la couture, et notamment l’art du flou; ces gestes minutieux, répétés à l’infini, afin d’acquérir un savoir-faire doublé d’un savoir-voir, qui attire à lui toutes les grandes maisons de couture parisiennes. Dans la discrétion, des robes extraordinaires lui sont confiées à chaque saison, pour être magnifiées à l’extrême jusqu’au ravissement. Un luxe désormais accessible grâce à Lou Kasatché…

Destiné à être jardinier

Rien ne me prédestinait à être couturier!” Bernard Blaizeau est né à Saint-Hilaire-de-Voust en Vendée, dans une famille modeste, avec des parents qui étaient de simples ouvriers. “Ils m’ont appris le partage et j’ai grandi avec cette certitude : que tout l’amour qui n’était pas donné était perdu.” Deuxième d’une fratrie de 4 enfants, il néglige l’école, préférant courir les bois et vivre au contact avec la nature. Il s’oriente alors vers des études de jardinier paysagiste, et travaille ses premières années en pépinière, puis en sylviculture. Mais l’aventure de sa vie commence quand il se retrouve sans argent, dans un coin perdu de l’Aveyron. “J’avais 24 ans et je venais de rencontrer une jeune fille qui était couturière. Ayant besoin de travailler, je me suis rendu dans son atelier à Brusque, à côté de Saint-Affrique.” A son grand étonnement, il est embauché le jour même, comme chauffeur et livreur. La manufacture produisait des Blue jeans pour Lee Cooper, mais cette première course à Lodève, puis à Nîmes, va durer une éternité…“ Je suis rentré le soir, certain d’être viré. Mais à ma grande surprise, le dirigeant de l’entreprise m’a serré la main et m’a proposé de rester en changeant de poste.” C’est ainsi que Bernard Blaizeau fait son entrée dans le métier de la couture.

L’apprentissage de la couture

J’ai d’abord appris à couper des pantalons, puis à les trier.” D’un naturel curieux, il passe du temps sur chaque poste pour apprendre : plier, repasser, recoudre, d’abord sur des machines automatiques, puis sur de vraies machines à coudre. Mais l’entreprise connaît des difficultés et un potentiel acheteur le repère ce jour-là. “Qui est ce garçon qui décharge le camion, puis qu’on retrouve en train de piquer à la machine ?” Ce Monsieur Palous lui propose alors de le suivre, pour être formé dans son grand atelier de Villefranche du Rouergue, spécialisé dans les uniformes pour l’administration. Bernard y restera 5 ans, à apprendre à faire des treillis, des habits de facteurs ou de pompiers… “Je commençais aussi à être dans le réseau des couturiers. Un italien Gianni, qui travaillait pour Macpi et Investronica, m’a proposé alors de me rendre à Limoges, dans une manufacture réputée de France, qui faisait des costumes pour hommes.” Par curiosité, il s’y rendra, et une nouvelle offre professionnelle lui est faite, qu’il acceptera en déménageant avec son épouse, pour s’installer dans le Limousin. “C’était un atelier de mille personnes qui fabriquait 2500 vestes et 3000 pantalons par jour. J’y suis resté pendant 13 ans et tout ce qui me sert quotidiennement à travailler ; tous ces outils que j’utilise, ce sont ces gens-là qui me l’ont appris. Je leur dois tout !

Mais dans les années 1990, la délocalisation au Maroc, dans les pays de l’Est, puis en Chine, frappe de plein fouet les industries du textile. Les licenciements sont impressionnants, et la disparition de ces grands outils inéluctable, car difficile à transformer. “Une fois que j’ai acquis la conviction que c’était terminé, j’ai voulu entreprendre pour préparer la suite. Je percevais par instinct, que la seule solution pour survivre, était de miser sur la qualité.” Bernard Blaizeau trouve alors C2000, un très bel atelier de couture à Limoges, constitué à l’époque d’une trentaine de personnes, et qui travaillait pour les prestigieuses maisons de haute-couture. Avec humilité et passion, il arrive à convaincre le dirigeant de sa volonté “de faire grandir ce diamant brut, et après un an et demi pour rassembler les fonds, il en devient, en 2004, l’acquéreur et le dirigeant. Une nouvelle aventure qui commence !

L’amour du flou

C’est là que j’ai découvert le flou, cette technique hors du commun qui fait vraiment partie du patrimoine français.” Une philosophie même, qui s’est développée avec la créatrice Madeleine Vionnet. Le moulage se fait directement sur le mannequin, pour des robes du soir avec le moins de couture possible, qui mettent en valeur les formes avec un tombé parfait et un aplomb impeccable. “Si je devais le résumer simplement : le flou c’est l’art d’enrubanner une femme avec du tissu, et j’en suis tombé littéralement amoureux !” Toute cette délicatesse, cette douceur mais aussi une approche artistique et technique où l’on fait preuve d’une excellente dextérité, de patience et de soin. On utilise les plus beaux tissus, essentiellement des matériaux souples comme la soie, la mousseline, le voile, l’organza… et c’est une alliance avec les maisons de couture, dont on connaît l’esprit derrière chaque création. “J’ai aussi aimé cette communauté d’artisans avec un esprit de partage et une culture de la diversité qui nous fait vivre ensemble en toute harmonie. On est 46 aujourd’hui, des quatre coins du monde !” Tous passionnés de flou, de mode et des experts du plissé et de la broderie. Un savoir-faire qui leur donne la reconnaissance des grandes maisons de couture des avenues Montaigne et de François 1er.

En ce moment, on est en pleine préparation de la Fashion week. Et nous sommes fiers de les accompagner, même si nous ne sommes qu’un maillon de ce long cheminement qui va aboutir à l’apothéose d’un défilé.” Mais le dirigeant aux doigts de fée aime par-dessus-tout le faire… Et il a réalisé des robes extraordinaires, comme cette grande robe, blanche et noire, qui a nécessité 80 mètres de tulle et près de 400 heures de travail. “Ma plus grande joie a été de la savoir vendue ; ainsi j’ai eu le plaisir de la refaire 5 fois !

Lou Kasatché et l’excellence du Limousin

Arrive alors la maison de couture, Lou Kasatché, afin de maintenir l’activité toute l’année et partager ce savoir-faire en co-créant directement avec les clientes. Ce projet est né d’une volonté collective de créer un modèle pérenne qui développe les compétences internes et apporte motivation et fierté. La marque est lancée en 2009 et le salon ouvre ses portes, boulevard de Fleurus, en 2013. “Modestement, à notre niveau, on voulait retrouver cette ambiance d’autrefois, une bulle de douceur dans notre monde trépidant.” Des pantalons et des jupes fluides, des chemisiers en soie, des parures de cocktails et des robes de mariées y sont confectionnés sur-mesure, avec les plus beaux matériaux. On achète du tissu en France mais on travaille aussi beaucoup avec des italiens, des écossais et des anglais, pour avoir la plus belle qualité. Les couturières façonnent aussi la même couture anglaise de 3 mm, le même ourlet mouchoir… que ceux réalisés pour les maisons de haute-couture. Des modèles uniques et rares qui tiennent tous en compte les moindres désirs des clientes. “Notre seul objectif est que chaque femme se sente elle-même dans sa robe.

Quant à la fondatrice : Louise Kasatché, que tout le monde ici appelle Lou, personne ne l’a jamais vue mais son esprit libre et généreux règne sur la maison. “Avec ses origines multiculturelles, elle est la quintessence de la communauté de travail de C2000.” Une imagination sans limites et une belle audace pour redonner vie à une couture moderne, qui réactualise les valeurs d’antan par la proximité, l’attention et la bienveillance. Dans l’atelier qui regorgent d’étoffes et de tissus doux et vaporeux, entre la soie, la dentelle, la crêpe ou les popelines de coton, les petites mains préparent même en secret, une collection dédiée à leur marque, qui verra le jour en 2019 : “une ligne de vêtements bien taillés qui révèlera la femme moderne, en toute élégance.

Bernard Blaizeau continue de cultiver ses projets, en poursuivant son étoile. Celle-là même qui l’a mené à la couture, pour être aujourd’hui le gardien d’un patrimoine vivant et l’ambassadeur du Limousin avec l’association Luxe & Excellence. Et si son secret était dans son regard ? Celui qui scrute les courbes d’un vallon, pour tracer une allée et dessiner un jardin. Puis de la même manière, contemple les lignes d’un tissu pour magnifier les courbures d’une femme, dans une émotion artistique jubilatoire qui se donne en partage.

Textes et photos sont une création originale de ©Carine Mouradian, suite à une rencontre le 15 février 2018 – Tous droits réservés.

Lien vers le site de Lou Kasatché et Luxe & Excellence

Galerie photos de Bernard Blaizeau

L’authenticité selon Bernard Blaizeau, le couturier qui fait pousser l’art du flou

“ L’authenticité, c’est de vivre de ce que l’on fait, de parler de quelque chose que l’on connaît, et de le vivre au quotidien simplement. Ce n’est pas de faire de l’esbroufe, d’impressionner les autres mais au contraire, de respecter les personnes qu’on a en face de soi ; Les gens pour lesquels on travaille, les gens avec lesquels on travaille et les gens à qui on se doit de donner un service et de les écouter attentivement dans leurs moindres souhaits. Les questions que l’on se pose tous les jours, c’est celles-là même qui sont à la base du commerce depuis la nuit des temps : Quel bien puis-je vous faire ? Qu’est-ce qui vous ferait plaisir ? Est-ce que simplement en vous habillant, en vous faisant un beau vêtement, je peux participer à vous rendre heureux ? Et c’est un vrai partage que l’on vit à chaque fois. On s’applique beaucoup pour faire une robe mais la récompense est là, quand la cliente repart ravie car on l’a aidé à réaliser l’un de ses rêves. Cette générosité n’est pas feinte. Elle est authentique et donne toute sa valeur à notre métier. Ce que l’on recherche au final, c’est aussi de révéler à travers un vêtement, la nature profonde de chaque personne. Que la cliente se sente elle-même dans sa robe et qu’à travers ce vêtement, elle puisse dire à ses proches : Regardez ! Voilà ce que je suis vraiment !

Pour cela, il faut mettre l’excellence et le savoir-faire au service des autres, en mettant de la vie dans ce partage, pour sortir de la relation purement commerciale et impersonnelle. Car c’est la rencontre qui donne du goût à la vie. Ces moments de partage, de complicité à toutes les étapes de fabrication d’une robe, comme lors des essayages ou quand les clientes viennent prendre leur thé et nous confient leurs problématiques. Ce n’est pas futile de s’habiller pour un mariage et nous y prêtons une grande attention dans les moindres détails. On entre alors dans leur vie et leur emploi du temps quotidien, et surtout, on leur amène quelque chose qui leur fait du bien. Un moment privilégié, plein de douceur, dans une vie qui peut être parfois trépidante. C’est pourquoi nos salons sont au premier étage, comme si on voulait se soustraire un peu de ce tumulte, et retrouver le calme et la sérénité. Tout cela nous permet de développer la bienveillance dans nos rapports avec les autres. On voudrait apprendre sans cesse de nos clients et qu’ils apprennent de nous, pour cheminer ensemble. Il y a aussi quelque chose d’intemporel quand on vient chez Lou Kasatché. Parler de belles choses qui ne se vendent plus, de pièces rares et uniques, bien loin de la société de consommation actuelle. D’ailleurs, on leur donne une vraie culture vestimentaire pour changer leur manière de consommer : en achetant moins, mais en achetant mieux par exemple.

Je pense que cette notion de partage devient de plus en plus importante de nos jours, et notamment pour les nouvelles générations. A notre époque, l’ambition qu’avaient nos parents pour nous c’était qu’on réussisse dans la vie. Pour nos enfants, cette ambition, c’est de réussir leur vie. Et ce n’est pas du tout la même chose. Ils reviennent donc à des valeurs plus maîtrisées et plus raisonnées. Ils préfèrent aussi cette façon de vivre en communauté, car on est plus heureux et plus intelligent à plusieurs que tout seul. Oui, le bonheur est quelque chose qui se partage. D’où l’importance chez nous, de la générosité qui est, à mon sens, le vrai luxe. C’est tous ces moments de partage où l’on se fait du bien. On s’appelle entre ateliers par exemple pour se donner des conseils sur une technique ; ou on assiste aux défilés et on voit une de nos robes ouvrir ou clore la cérémonie. Un grand moment d’émotion ! surtout dans ce métier, où vous passez six mois à développer une collection et vous avez 16 minutes pour la présenter.

J’ai aussi coutume de dire que le luxe est féminin. Il suffit d’étudier l’histoire, avec les époques qui sont propices à son développement, et à chaque fois, on constate que c’est l’émancipation des femmes qui en est à l’origine. C’est pour cela, j’aimerai bien l’appeler la luxe parce qu’elle a un peu ce rythme, cette méthodologie, cette rondeur et cette générosité maternelle qu’ont les femmes. L’accueil de l’autre est aussi primordial et créer un écosystème dans lequel tout le monde cohabite de manière heureuse. Qu’on gagne notre vie, qu’on trouve de la joie et du sens à vivre, plutôt que perdre sa vie à venir travailler. Cela nous donne de la confiance et on avance au jour le jour, pour devenir encore meilleur demain. Au final, le bonheur se trouve dans les plaisirs simples du quotidien : un joli plissé, un tombé de robe, un arrondi qui se place bien…

Augusto Verducci, un maître tailleur calabrais que j’ai eu comme maître, me disait toujours de prêter attention aux cailloux, car « c’est en les soulevant que la graine voit la lumière et peut pousser pour devenir une belle plante ». Finalement, entre l’art paysager et l’art du flou, il n’y a qu’un pas et ma mission est toujours le jardinage dans le champ des possibles. ”

Textes et photos sont une création originale de ©Carine Mouradian, suite à une rencontre le 15 février 2018 – Tous droits réservés.

Lien vers le site de Lou Kasatché et Luxe & Excellence

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