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Le cœur battant de la tradition horlogère suisse

Jacky a rassemblé tout son amour du patrimoine et de sa région en une marque : Rudis Sylva, du nom de son village, le lieu des paysans horlogers suisses. Et avec un tel souci du détail, des finitions et de l’excellence ! Une montre de grand luxe avec un brevet déposé, usinée selon les dernières technologies, puis assemblée pièce par pièce par des artisans locaux. Au-delà du produit, c’est un voyage dans le temps qui ravive les traditions ancestrales d’un pays, d’une région et des 600 horlogers de ces villages de Franches-Montagnes. Une passion qui se transmet avec une détermination sans faille pour cet entraîneur de football, devenu entrepreneur et ambassadeur de ce que la Suisse offre de meilleur au monde.

Le footall et la mécanique

Jacky Epitaux est né dans les hauteurs recluses du Jura, une région qui fut le berceau de l’horlogerie suisse. Dans sa famille d’ouvriers et de paysans, il apprend très tôt le sens des valeurs et vivre au rythme des saisons. “Le printemps on allait cueillir le pissenlit, ce qu’on appelait les dents de lion. On en faisait des salades avec du lard qui venait des cochons des voisins. L’automne c’était les noisettes… Ce contact avec la nature a bercé toute mon enfance et je trouvais cette vie-là idyllique !” Enfant, il était plutôt le boute-en-train de la famille et un grand amoureux des sports de plein air. Il pratique le ski alpin et le ski de fond l’hiver, ainsi que le hockey et le patin sur les étangs glacés ; et l’été c’étaient les randonnées pédestres et se baigner dans le Doubs. “Le sport a toujours fait partie intégrante de ma vie” et très tôt, il se met au football dans le club qu’avait fondé son père dans son village Les Bois.

Un jour, lors d’une compétition, il est remarqué par l’entraîneur du Locle, le village voisin qui va insister pour qu’il vienne jouer dans son équipe. Jacky accepte à condition d’avoir un travail qui compensera les moments d’entraînement l’hiver alors qu’il partait enseigner le ski à Crans-Montana. Il a à ce moment un diplôme d’école de commerce et entre chez Dixi au Locle en tant que responsable administratif d’une division entière de machines outils pour l’industrie de pointe. Il a alors 24 ans et ce travail va le passionner. “C’est là que j’ai commencé à m’intéresser à la précision dans une compétition qu’on avait à gagner contre les japonais et les allemands pour quelques microns ; Quand on usinait des pièces, par exemple des rotors d’hélicoptère ou des « Bananes » de réacteurs d’avions, le challenge était d’usiner ces grandes pièces en une seule fois, en faisant tourner une sphère comme un ballon avec une précision extrême.” Il y passera 11 années à se perfectionner dans les solutions micro-mécaniques et micro-techniques et les vendre sur les principaux marchés européens.

Le virage dans l’horlogerie de luxe

Puis c’est la guerre du golfe : son activité s’écroule et il a très peu de commandes pendant 4 ans. Il demande à son patron, passionné de football comme lui, de l’aider à trouver un nouveau travail pour y investir toute son énergie. C’est alors qu’il décroche un poste d’Area Manager et Responsable des ventes pour Zénith, un grand groupe de montres suisses. Il y passera 5 années se familiarisant avec le monde de l’horlogerie de luxe, jusqu’à la revente de sa société à Louis Vuitton. “Avec Zénith, je suis parti à l’étranger, donc je ne pouvais plus jouer au football comme avant.” Comme il avait passé tous les diplômes de haut niveau pour devenir entraîneur, il ne pouvait plus non plus entraîner son club. Il est alors devenu Président du club à Locle, club de 3ème division. “Cela m’a apporté beaucoup de camaraderie, d’amis et un large réseau. Le sport en général m’a donné cet esprit de combativité pour se relever même après les défaites et aller chercher la performance et la victoire.” Puis il part dans le groupe Rodolphe-Franck Muller en tant que Sales Manager et parcourt de nouveau le monde pour promouvoir les marques de montres Rodolphe, Roamer, Caterpillar et Bruno Banani. “Au bout de 7 ans, j’avais le choix de convertir mes actions dans le groupe ou de prendre l’argent. J’ai alors décidé de partir pour fonder ma marque.”

Rudis Sylva

Elle prendra le nom de Rudis Sylva, du nom latin de son village Les Bois. On est en 2006 et Jacky se lance dans l’aventure avec son cousin qui travaille dans la Finance, et un ami qui usinait des composants horlogers. Chacun amenait ce qu’il avait. “Mon cousin a investi, moi j’ai apporté mon réseau et mes connaissances dans ce secteur et l’ami a usiné tous les composants gratuitement jusqu’à la mise au point de notre première montre en 2010.” Dans cette entreprise, le choix qui est fait n’est pas le plus simple. Au lieu d’acheter un mouvement pour le personnaliser et le vendre, les trois fondateurs décident de dessiner tous les composants du mouvement et partir d’une page blanche. Tu dessines les vis, les goupilles, les pans, les pignons, les roues, les plateaux, les chevilles… Puis c’est ton propre mouvement que tu usines et que tu assembles en le testant pas à pas.” Et c’est là que l’oscillateur harmonieux voit le jour. Alors qu’ils voulaient faire une montre où l’on approchait les deux balanciers spiraux en pensant que l’un et l’autre se mettraient en résonance, puis se balanceraient ensemble, ils découvrent de manière empirique une innovation horlogère majeure, reconnue aujourd’hui par le cercle des maîtres-horlogers. Après le célèbre tourbillon de Breguet en 1801, adapté aux montres de poche qui restent à la verticale, voici deux balanciers connectés grâce à des dents avec une inversion des ressorts en leur milieu. Ce système fait tourner l’échappement en une minute en annulant systématiquement l’effet de gravité. “On a alors une valeur positive en même temps que la valeur négative, c’est-à-dire quand le cœur de la montre fait donc 5 secondes par jour, l’autre fait -5 secondes et comme ils sont connectés, ils le font en même temps. On arrive ainsi à des valeurs chronométriques.” Jacky Epitaux a déposé un brevet pour cette invention et Rudis Sylva est devenue aujourd’hui la seule montre au monde à proposer ce mouvement de balanciers engrenés.

Puis il y a tout le reste ; une montre à complications avec le meilleur des nouvelles technologies pour les pièces usinées et un savoir-faire unique dans la gravure, l’émaillage et le guillochage qui sont confiés à des artisans locaux travaillant par ailleurs pour des marques renommées de l’horlogerie de luxe. “Je grave le fond et tous les textes pour que ce soit décoratif et ornemental.” Sylvain le graveur, va rajouter aussi à la main un cadran solaire, devenu l’emblème de la marque. Puis avec beaucoup de délicatesse, il travaille les métaux précieux et notamment l’or fin en apportant une touche sur-mesure pour chaque client. Le travail de l’émaillage démarre ensuite avec une piqûre dans le détail de chaque gravure, pour avoir une meilleure adhérence de l’email et obtenir un résultat chatoyant. Valérie l’émailleuse travaille alors les couleurs avec une palette quasiment infinie. “En comparaison d’une peinture, l’émail est presque éternel ! La montre passe ensuite à l’horloger Mika qui va poser cette partie dans le mécanisme.

“On peut difficilement faire un produit équivalent avec une telle qualité des composants.” Jacky fait peu de communication sur sa marque pour offrir une valeur ajoutée du produit seul et sa montre se vend aujourd’hui à un prix s’élevant à 6 chiffres, sur un circuit très sélectif de collectionneurs et clients fortunés comme des émirs du Moyen-Orient. Conscient de cet investissement qui se joue dans l’acte d’achat, le PDG de Rudys Silva compte aussi développer bientôt un nouveau mouvement qui permettra d’avoir un modèle moins volumineux, plus accessible dans le prix qui ciblera une clientèle asiatique et plus féminine.

Un véhicule du patrimoine

Tout dans cette montre a été conçue comme un véhicule du patrimoine horloger de ma région. Le cadran solaire par exemple, a été reproduit pour dire un peu de l’âme de cette montre. Elle est la copie exacte d’un cadran que l’on trouve encore là, sur une des fermes typiques de paysan horloger avec des fenêtres au Sud. L’hiver, cela permettait d’avoir un maximum de lumière pour permettre à des artisans de travailler avec minutie les composants horlogers. Le siège de la marque est un chalet en bois, dans une belle prairie suisse, où paissent des vaches romandes. “On a même une barque typique reconstruite à l’ancienne, et non un yacht, pour emmener les clients sur le Doubs ! Chacune des montres est enfin livrée dans un coffret spécial, une layette que les horlogers utilisaient dans l’ancien temps pour assurer le service après-vente chez le client. Ils avaient imaginé une boîte en bois d’épicéa avec des bretelles, qu’ils portaient sur le dos et avec une hauteur spécifique de sorte qu’une fois posé sur la table de la cuisine, ils étaient à hauteur des établis d’horlogers.

Cet amour de la région et de l’histoire horlogère va également déboucher sur un beau projet patrimonial. Avec l’aide du canton et de la Confédération suisse, Jacky a créé l’espace paysan horloger qui s’appuie sur 3 piliers ; un hôtel restaurant avec 5 chambres, un parcours qui fait 20 km entre les deux villages Les Bois et le Noirmont et un petit musée qui explique l’époque du paysan horloger depuis le défrichement jusqu’aux débuts de l’industrialisation début 1950. Là, on est plongé au cœur du mystère de Rudis Sylva, car tout commence dans les années 1400, où l’on incité les gens de la plaine à monter à 1.000 mètres d’altitude pour être exonérés de certains impôts. Puis Jean Rudin va défricher les bois et établir quelques maisons qu’il appellera Rudis de Ruedin et Sylva comme la sylviculture et la forêt…

Une montre d’exception, voilà ce qu’est Rudis Sylva qui offre de plus un voyage dans le temps, à la découverte de cette belle région des Franches-Montagnes. C’est aussi une rencontre avec son fondateur Jacky Epitaux, et les artisans locaux, qui perpétuent avec authenticité et le souci de l’excellence, ce qui fait la richesse et la notoriété de la haute horlogerie suisse. On tombe amoureux de ce lieu ; alors on a envie d’emporter à travers cette montre, un bout de ce patrimoine vivant. Mais avant tout, Rudis Sylva parle d’amitiés et de relations humaines, puis de courage et de génie créateur, au cœur d’un tourbillon qui rythme les battements d’histoire de son énergie permanente.

Textes et photos sont une création originale de ©Carine Mouradian, suite à une rencontre le 20 septembre 2017 – Tous droits réservés.

Lien vers les sites de Rudis Sylva, et du Paysan Horloger

Galerie photos de Jacky Epitaux

L’authenticité selon Jacky Epitaux, l’entraîneur d’une haute horlogerie

“ L’authenticité vient essentiellement de l’éducation reçue dans l’enfance. Si les bases ont été le respect de la nature, du temps et des saisons, alors, une fois adulte, on le devient naturellement et on recherche une vie simple. J’ai grandi et me suis construit avec ces valeurs-là. On finissait le pain avant d’entamer le nouveau. On cuisinait au jour le jour, et quand on servait des légumes à midi, on en faisait de la soupe pour le soir. J’avais de la joie à aller cueillir les mûres, les cynorhodons, les champignons, et on vivait même au cycle du cheptel : le cheval, le veau, le porc… en appréciant chaque instant et en le partageant avec les autres. La culture culinaire, la juste pesée de ce qui te construit, la santé par rapport à d’autres richesses qui sont matérielles, c’est donc cela qui est essentiel, ainsi que les relations humaines. Mes amis sont des personnes chez qui je peux venir à l’improviste et il en est de même chez moi. La table est toujours ouverte, la cave a toujours une bonne bouteille avec un morceau de saucisse pendue. C’est cela l’authenticité. Dans mon village, j’aime ainsi organiser les fêtes et créer des animations pour se retrouver et passer ces beaux moments ensemble. Quand je vends une montre, souvent, les clients me disent qu’ils achètent aussi le personnage que je suis. Ils achètent mon accent, mon histoire, le mobilier en bois de mon entreprise et les gens autour de moi qui s’appliquent au quotidien pour donner le meilleur de notre région, sans signe ostentatoire ni de l’esbroufe.

J’ai cette chance de vivre dans un milieu rural. Un jour, un richissime client de Hong-Kong en visite ici, s’est arrêté ému devant le passage d’un troupeau de vaches. Il s’est exclamé : “Promettez-moi de me faire revivre cet instant car je reviendrai avec mon jeune fils la prochaine fois.” C’est cela le luxe véritable ! Un moment à part, une émotion qui restera gravée, un paysage fabuleux… Vivre quelque chose que l’on ne peut pas acheter. Et c’est un peu l’esprit de la clientèle de Rudis Sylva. On n’est pas dans le luxe qui brille, mais un luxe authentique. Cela reste une clientèle fortunée mais quand elle a déjà tout obtenu avec son argent, elle se tourne vers des produits qui apportent un supplément d’âme, et ensemble, on va aller voir ceux qui la font. C’est pour cela, Rudis Sylva est plus qu’une marque de montre ; c’est un véhicule pour la promotion des talents des gens de la région. On va réexpliquer ce que c’est qu’un guillochage main, technique vieille de trois siècles. Et chaque pièce aura son identité et ses caractéristiques propres car, par son savoir- faire, l’artiste y laisse sa marque, en la rendant authentique. C’est pourquoi, on peut difficilement vendre ce produit en ouvrant des boutiques partout dans le monde. Il faut vivre l’esprit du village, venir sur les lieux mêmes pour sentir cette énergie et alors repartir avec un bout des Franches-Montagnes suisses dans sa poche.

Quand j’ai pensé le concept marketing de Rudis Sylva, j’aurai pu choisir le nom d’un horloger émérite car il y en avait plus de 600 au village. Mais j’ai pris le nom du village tout court, et j’ai ressorti toutes les histoires horlogères d’antan. C’était extrêmement riche et comme je ne voulais pas garder ces histoires pour Rudis Sylva seule, j’ai acheté un petit immeuble qui était une ancienne ferme d’un paysan horloger, et j’en ai fait un petit hôtel restaurant. Et dans les sous-sols, j’ai installé un petit musée qui explique la genèse de l’horlogerie dans notre région. Puis on a tressé un parcours sur deux villages : Les Bois, qui était plutôt spécialisé sur le mouvement, et Noirmont qui était spécialisé dans les boîtes de montre. C’est cela que je vends aussi. Une tradition horlogère qui se perpétue dans le temps et une montre intemporelle.

Aujourd’hui, pour voir l’heure, on n’a quasiment plus besoin d’une montre. Elle s’affiche sur le téléphone mobile, sur l’ordinateur, dans la voiture… Mais une montre, pour une femme et encore plus pour un homme, c’est un des rares bijoux que l’on puisse porter sur soi. La Suisse n’est pas maître des montres-bijoux qui brillent, c’est le lot des italiens. Mais elle a une tradition horlogère ancestrale, porteuse de technologies, de talents mécaniques et d’artisans dans la décoration et la gravure. Et c’est cette valeur symbolique qui fait une montre de luxe aujourd’hui. C’est se sentir le porte-drapeau de l’histoire horlogère d’une région et connaître par qui et comment elle a été réalisée. Car une belle montre se porte, se laisse regarder. On l’écoute. Elle nous accompagne. C’est donc une relation qui se crée entre nous à travers elle.

Je trouve que l’on devrait d’avantage apprécier ce temps qui passe. On va beaucoup trop vite. Or la précision, la délicatesse, l’excellence se gagnent aussi en prenant son temps. Par exemple, en gravant à la machine, on descend droit dans la lettre avec l’outil, c’est-à-dire qu’on fait simplement une gorge. Or, le métier de graveur c’est de donner une angulation. C’est méticuleux et tout en finesse. Alors, lorsqu’on oriente la pièce à la lumière, elle a beaucoup plus d’éclat et le résultat est vraiment unique ! Ma montre est aussi une grande relation d’amitiés, car tous ceux qui travaillent pour nous aujourd’hui étaient des connaissances avant de fonder Rudis Sylva. Notre mouvement a été reconnu comme une invention très forte dans le domaine horloger. Elle a même été aussi mentionnée en avril 2017 comme la référence du tourbillon dans un magazine sorti à la Foire de Bâle. Mais ma plus grande fierté serait que cela dépasse aujourd’hui le cercle des connaisseurs pour être diffusé par les médias spécialisés, et que tout ce savoir-faire soit enfin reconnu. Finalement, ma montre, c’est comme un cœur. L’échappement c’est un ressort qui s’ouvre et qui se referme. Et il y en a deux cœurs ainsi qui battent à l’unisson ! Il suffit de penser à cela pour retrouver la motivation, celle-là même qui construit les sportifs de haut-niveau. ”

Textes et photos sont une création originale de ©Carine Mouradian, suite à une rencontre le 20 septembre 2017 – Tous droits réservés.

Lien vers les sites de Rudis Sylva, et du Paysan Horloger

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