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Les rituels d’accueil nous paraissent si évidents dans notre vie privée. Pourtant, il n’est pas facile de les décrire. Le concept d’accueil est très ancien, même plus ancien que le mot «Hospitalité». Dans cet article, nous décrirons comment l’accueil a commencé dans notre civilisation…

 

Les grecs étaient accueillants, mais les romains beaucoup moins

Dans l’antiquité, accueillir sous son toit l’étranger de passage était considéré comme un devoir sacré. Les grecs surtout étaient «facilement portés vers l’Autre et Autrui», surtout depuis les vastes conquêtes d’Alexandre le Grand. C’était, disait-on, « Zeus lui-même qui vous l’envoyait », et cet étranger avait droit à tous les égards.

Pendant ce temps, les romains étaient, pour leur part, beaucoup moins accueillants et ils restaient méfiants et cloîtrés dans leurs petites maisons. Peu d’efforts ont donc été faits pour accueillir les étrangers, qui étaient même souvent rejetés. Mais petit à petit, des liens se sont tissés entre celui qui recevait et celui qui était reçu, car ce commerce humain était mutuellement apprécié, chacun gagnant à mieux connaître l’autre.

Un étranger peut devenir un hôte ou un ennemi

Il est intéressant de remarquer qu’en latin, les deux termes « hospes » (hôte, invité) et « hostis » (l’ennemi) ont une racine commune « hostire » qui désigne l’étranger, dans un sens à la fois ambivalent, fascinant et dérangeant. C’est donc avec les liens commerciaux qui se sont développés entre les pays, que l’étranger (hostis) est devenu l’hôte, ou l’invité (hospes).

Mais cette réconciliation n’était pas le reflet d’un altruisme désintéressé. Elle avait des dimensions politiques et économiques, puisqu’elle facilitait les déplacements des représentants politiques ou des négociants et créait des alliances durables, telles que le commerce ou les relations diplomatiques entre les régions, avec une pérennité sur plusieurs générations. L’alliance elle-même stipulait pour l’hôte (celui qui reçoit), le devoir d’accueillir son allié quand il est en voyage et de le protéger physiquement et juridiquement. Cette alliance est l’un des piliers de l’hospitalité jusqu’à nos jours.

 

L’accueil devient un concept universel

L’accueil est devenu un concept universel, étroitement lié à l’hospitalité, avec l’essor du christianisme. L’accueil est offert à tous et surtout aux pauvres et aux pèlerins. Ce devoir occupait aussi une place prépondérante dans plusieurs ordres monastiques comme les règles de saint Benoît.

Pendant des siècles, les « hostelleries », celles du château, du monastère ou du refuge de montagne furent des formes d’accueil charitable et désintéressé où l’on recevait le voyageur ou le pèlerin comme on accueille son prochain. De nos jours le terme d’hôtellerie s’applique à tous les établissements où les voyageurs peuvent être hébergés et nourris moyennant rétribution. Mais l’essentiel demeure l’acte d’accueil qui repose toujours sur les mêmes valeurs humaines, qui sont des valeurs de civilisation et que la tradition hôtelière entretient de siècle en siècle.

L’accueil, un art de vivre dans l’hôtellerie de luxe

L’art de l’accueil à la française prendra d’abord son essor sous Louis XIV. A cette époque, il est un honneur de servir le roi, la cour et les seigneurs, de montrer le meilleur de la France aux étrangers lors des visites d’ambassadeurs. Ceci est une caractéristique purement française, inscrite dans la tradition. Tous les métiers de bouche ou d’artisanat mettaient le meilleur de leur savoir-faire au service du roi et de l’accueil. C’est aussi cet esprit qui a fait l’accueil à la française dans ce qu’elle a de meilleur à offrir à ses hôtes.

 

 

L’arrivée de l’hôtellerie de luxe au début du 19ème siècle se fera également dans l’esprit de la grande aristocratie du siècle des Lumières. Les riches voulaient retrouver sur leur lieu de villégiature le même confort, opulence et services qu’ils avaient chez eux et amenaient pour cela tout leur personnel : concierge, habilleuse, femme de chambre…

Dans un dialogue avec André Daguin, Pierre Gouirand permet de recueillir des précieuses informations historiques sur le besoin d’accueil. « Dans le palace d’antan, il n’y avait que la décoration, aucune technologie ! On montait les brocs d’eau, les bûches pour le feu. Aujourd’hui, c’est devenu un laboratoire électronique. La note est payée par la télévision… On est en rapport avec le monde entier. » Le service s’est totalement déplacé vers l’efficacité, abandonnant la plupart des services directs à la personne. L’accueil a repris d’autant plus d’importance que l’on ne trouve plus, dans la chambre, le contact humain que l’on trouvait avant. « Une femme de chambre vidait les bagages, on mettait les chaussures qu’on vous cirait, on prenait les petits déjeuners dans la chambre, on sonnait le maître d’hôtel qui venait prendre votre commande. Il y avait des rapports constants dans un palace. Ils ont disparu, et toute cette envie de contact humain se retrouve aujourd’hui au moment de l’accueil. » (Dialogue autour de l’accueil entre Pierre Gouirand et André Daguin, 6 novembre 2008).

En conclusion, cette rétrospective historique nous rappelle que toute activité hôtelière est avant tout l’occasion d’une rencontre humaine. Dépouillé de ses aspects commerciaux et administratifs, le pacte de réception d’un hôte est avant tout un acte d’accueil. Un homme, au sens le plus élevé du terme, en reçoit un autre. Et pour ce faire, il lui doit respect, protection et secours. Ainsi que la chaleur humaine.

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